Études en soins infirmiers: allongement, réforme et questionnements

La Belgique et la Fédération Wallonie-Bruxelles doivent se préparer à une réforme incontournable, la réforme de la formation en soins infirmiers. Un dossier qui date et qui traîne, depuis plusieurs années, l’Europe ayant déjà mis deux fois notre pays en demeure pour le non-respect de la directive 2005/36. Mais que prévoit concrètement cette directive? Quels sont les effets et conséquences à attendre pour la formation et les étudiants? Où en sommes-nous aujourd’hui dans la formation des infirmiers? Rapide tour d’horizon de ce dossier.

Devenir infirmier actuellement

Actuellement, la formation pour accéder à la profession se présente sous deux volets différents, un brevet (enseignement professionnel complémentaire) et un bachelier (enseignement supérieur de type court). Deux formations pour accéder à un même métier et poser les mêmes actes, mais des différences importantes entre les deux filières. Une différence barémique tout d’abord, le grade de bachelier étant généralement privilégié. Une différence dans l’accès à une spécialisation ensuite, l’infirmier breveté ne pouvant y accéder. Il convient également de s’arrêter sur les conditions d’études. En effet, le bachelier en soins infirmiers est extrêmement exigeant, alternant les sessions d’examens très chargées et les périodes de stages régulières, l’étudiant infirmier fait face à une charge de travail énorme.

La réforme de la formation en soins infirmiers

Objectifs

Cette réforme a pour but de répondre à plusieurs objectifs:

1. La réduction de coût dû aux erreurs médicales, en augmentant la qualité de la formation.

2. Une réponse nécessaire aux nouveaux défis (nombreux) du monde de la santé.

3. La résorption de la pénurie récurrente dans le secteur.

4. La libre circulation des infirmiers au sein de l’UE, grâce à l’harmonisation de la formation au niveau européen.

Moyens

Pour assurer la réussite de cette réforme et aller vers les résultats souhaités, plusieurs mesures sont à noter:

1.Un ensemble de compétence accrues. L’Europe a défini « 8 compétences de l’infirmier » allant (de façon non-exhaustive) de l’analyse de la qualité des soins à des compétences pratiques accrues en passant par la responsabilisation de particulier, les incitant à adopter un mode de vie sain.

2. Une harmonisation de la durée du cursus au niveau européen. L’on passe ainsi à un cursus de plus de 3 ans et surtout de 4.600 heures, dont la moitié devront être des heures de pratiques, soit 2.300 heures et un tiers obligatoire de formation théorique. En Belgique, on va donc vers une masterisation.

Application de la réforme en FWB

Pour mettre en pratique cette réorganisation de la formation, plusieurs pistes étaient envisageables, une semble se dégager comme une formation unique étalée sur 4 années. Cette option préconisée par la FNIB s’avérerait sans doute la plus simple mais n’est pas sans poser question(s), ni soulever quelques problématiques potentielles.

Problèmes liés à l’application de cette piste

Plusieurs problèmes risquent en effet d’apparaître en cas d’application de cette piste « 4 ans »:

L’allongement de la durée d’études: en effet, même si au regard des directives imposées par l’Europe, spécialement en matière d’heures de pratiques au chevet du patient, il semble difficile d’éviter un allongement de la durée du cursus, il convient de rappeler qu’une année d’études pour un étudiant, ce n’est pas rien. Aujourd’hui, une année d’études coûte entre 8.000 et 12.000 euros pour un étudiant, une année supplémentaire dans ce contexte n’est donc pas une mince affaire et constitue un réel sacrifice pour bon nombre d’étudiants.

De plus, cet allongement n’allégera en rien le cursus extrêmement chargé d’un étudiant infirmier, puisqu’il ne s’agira que de l’ajout (presque le doublement) des heures de pratiques. Ensuite, un cursus de 4 ans, pour des étudiants en bachelier et un salaire par forcément attractif en plus de conditions de travail extrêmement difficiles pourrait rebuter bon nombre de futurs étudiants, plus encore les étudiants diplômés du bachelier qui souhaiteraient s’orienter vers le master, faisant ainsi face à un parcours de 6 années. La question de la valorisation barémique se pose donc…

Concernant l’accès au bachelier, il est important de définir un niveau de formation initiale pour préciser les conditions d’accès à ce nouveau bachelier unique. En effet, si ces changements viennent à harmoniser la formation en soins infirmiers en allant vers une filière unique, qu’en sera-t-il des étudiants qui s’orientent vers le brevet, des praticiens détenteurs de ce dernier, de l’accès aux passerelles voir au bachelier pour les étudiants issus de l’enseignement professionnel?

Vient ensuite la question du nombre de maîtres de stage. Les étudiants sont suivis de façon hebdomadaire par des MFP, maîtres de formation pratique. Ceux-ci viennent déjà à manquer actuellement, nous pouvons donc légitimement nous poser la question d’une disponibilité de ces MFP lorsque les heures de pratique auront presque doublé. Il est donc à craindre que cette réforme, visant pourtant à améliorer la qualité de la formation, ne débouche sur une baisse du suivi individuel des futurs infirmiers et, de facto, une baisse de la qualité de la formation.

Enfin, qu’en est-il du délai extrêmement court pour procéder à la refonte des programmes de cours et à l’adaptation des hautes écoles à ces nouveaux programmes? Qu’en sera-t-il pour les étudiants actuellement en cours de formation? Et quid du personnel pédagogique encadrant actuellement les étudiants privilégiant le brevet?

Voici un exemple des nombreuses questions et problématiques soulevées à la veille d’une réforme imposée par l’UE et se donnant pourtant pour but de faire face aux nouveaux défis de la profession, à la pénurie frappant de longue date le secteur et revalorisant les professionnels. Un dossier qui n’a pas encore fini de faire parler de lui!

Source: http://pro.guidesocial.be/actualites/un-an-pour-faire-evoluer-la-formation-des-infirmiers.html

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