« La position rigide et quasi dictatoriale de Maggie De Block blesse narcissiquement des milliers de personnes dans leur être et dans leur identité professionnelle, elle place les psychomotriciens dans un statut de réfugiés professionnels. » Le ton est donné. Cécile (prénom d’emprunt) est révoltée. Psychomotricienne depuis vingt ans, elle voit aujourd’hui toute son identité professionnelle ébranlée, ainsi que celle de ses confrères et autres psychomotriciens en devenir. La faute à la ministre de la Santé, Cécile n’en démord pas.
Pour cette praticienne indépendante, l’ouverture du bachelier en psychomotricité, en septembre 2012, devait enfin – et en toute logique – « apporter ses lettres de noblesse à notre beau métier, en étant suivi d’une légalisation et d’une protection liée à une formation paramédicale et spécifique. » Autrement dit, la reconnaissance légitime d’une profession pratiquée depuis les années 60. « Des psychomotriciens sont engagés dans des institutions financées par l’INAMI », explique Cécile. Par l’INAMI ? « Oui, oui. L’INAMI a donc financé des emplois ‘illégaux’.»
Ainsi, voilà la réalité qui incombe à la psychomotricité et son exercice, un paradoxe digne de la Belgique. « Une affaire encore bien belge, mais qui ne fait rire personne », déclare la praticienne. Et de fait : depuis que Maggie De Block s’est prononcée sur l’exercice illégal de cette profession, toutes les personnes engagées dans ces centres sont quasi contraintes de quitter leurs fonctions. Et c’est sans parler des milliers d’autres diplômés qui ne trouvent pas d’emploi, et les étudiants qui avancent vers l’inconnu. Puis tous les efforts mis en œuvre dans l’ingénierie du bachelier, le travail accompli pour s’approcher un maximum de la profession en Europe, … « La décision ministérielle dépasse de loin une pensée rationnelle. »
Cécile a beau retourner la question dans tous les sens, elle ne comprend pas. Elle ne cautionne pas. Elle n’accepte pas. « La ministre met à mal de nombreux cliniciens, lèse les patients et les institutions dans lesquelles la psychomotricité est un service relevant d’une pratique clinique à part entière qui diffère totalement de la kinésithérapie ou de l’ergothérapie ! »
Et c’est un fait : les psychomotriciens sont reconnus du public et autres professionnels médicaux ; l’intérêt de cette clinique n’est plus à prouver, ni sa spécificité. « Je pratique la psychomotricité depuis la fin de mes études, avec une reconnaissance des institutions, des patients, détaille Cécile. Aujourd’hui, malgré la polémique, les PMS, pédopsychiatres et neuropédiatres continuent d’orienter des patients vers mes services. Devrais-je maintenant refuser et me retrouver au chômage ? »
La ministre de la Santé lui dirait sans doute de se réorienter, de continuer à pratiquer sous un autre statut, grâce à une de ses formations paramédicales. « J’ai beau avoir d’autres diplômes débouchant sur d’autres professions, je suis psychomotricienne avant tout. » C’est ce que Cécile a toujours été, et veut continuer d’être.
Mais ses projets s’envolent. Comment regarder son parcours de vie aujourd’hui lorsqu’on vous dit que ce que vous faites doit disparaître ? « Maggie De Block reste dans le rôle du pantin sur une scène politique qui ne tient pas compte du communautaire et de l’Europe ! C’est inadmissible de la part d’une ministre. » La FEF soutient et partage cette déclaration : il est grand temps que les politiques cessent d’agir avec désinvolture dans ce dossier, et agissent de manière responsable. La décision de ne pas reconnaître la profession de psychomotricien arrive trop tard ! Tout comme déclarer son exercice illégal !
La FEF et l’UPBPF rappellent leurs revendications :
- L’autorisation de pratiquer pour tous les praticiens diplômés ;
- La reprise des concertations pour un statut paramédical (travaux du CNPP) ;
- Le maintien du bachelier paramédical en psychomotricité (établi sur le modèle européen).
Cet article est le quatrième d’une série de témoignages. Face à la situation actuelle, la FEF, à côté de son rôle de représentation, veut aussi informer sur les conséquences des choix politiques qui ont été posés. Il est important pour nous de partager des expériences, des parcours de personnes – étudiants, professionnels, malades – qui sont aujourd’hui touchées par le manque de responsabilité dans la gestion de nos soins de santé. Vous trouverez donc dans les jours à venir, à la fois sur ce site et sur nos réseaux sociaux différents témoignages qui vous donneront un aperçu de la situation dramatique que nous dénonçons. N’hésitez pas à les partager !