Précarité et coût des études : que fait la ministre ?
Précarité
20.04.2021
Depuis 2 ans, la Fédération réclame que le gouvernement prenne des mesures ambitieuses et à la hauteur de l’ampleur du problème pour lutter efficacement contre la précarité étudiante.
Depuis 2 ans, la Fédération réclame que le gouvernement prenne des mesures ambitieuses et à la hauteur de l’ampleur du problème pour lutter efficacement contre la précarité étudiante. À travers plusieurs campagnes, plus de 15.000 pétitions ont été signées par les étudiant·e·s, des centaines de personnes se sont mobilisées lors d’actions et des milliers de kilomètres ont été parcourus par plus de 1 500 étudiant·e·s en soutien aux revendications.
Force est de constater que, malgré des promesses et des engagements pris – notamment au sein de la déclaration de politique communautaire – ces mesures ne sont jamais arrivées. C’est pour cette raison que la Fédération maintient la pression en organisant des rassemblements chaque mercredi depuis un mois afin d’exprimer la colère et le désespoir de près de 80 000 étudiant·e·s en situation de précarité objective.
La ministre a-t-elle été interpellée par ces rassemblements ? Oui. Sa réaction est-elle à la hauteur ? Non.
La Ministre a répondu aux étudiant·e·s qui se mobilisent, par voie de presse, en se félicitant d’avoir débloqué 6,9 millions d’euros dédiés aux services sociaux des établissements.
La Ministre a entendu mais elle n’a pas écouté. Si elle avait écouté elle saurait que ce que demandent les étudiant·e·s, ce n’est pas un sparadrap mais une vraie opération chirurgicale pour stopper l’hémorragie qu’est la précarité.
En effet, nous ne lutterons pas contre la précarité à coup d’aides ponctuelles insuffisantes qui s’épuisent aussi vite qu’elles apparaissent. Que restera-t-il de ces quelques millions dans deux mois ?
80 000 étudiant·e·s étaient en situation de précarité avant l’arrivée de cette aide, iels le demeurent et le demeureront tant qu’une autre voie n’est pas choisie. Les étudiant·e·s n’attendent pas des mesures palliatives, iels ont besoin de décisions qui impacteront sensiblement et structurellement leur quotidien et iels ont une idée précise des mesures nécessaires. Ainsi, pour 80% des étudiant·e·s, l’absolue priorité pour lutter réellement contre la précarité, c’est la diminution du coût direct des études : on diminue le minerval pour tout le monde, on élargit le gel de celui à l’ensemble des cursus[1], on supprime les frais supplémentaires au minerval dans les hautes-écoles et les écoles supérieures des arts et on rend gratuit tout le matériel nécessaire à la poursuite d’un cursus.[2]
En mars 2021, la Ministre déclarait : « Aujourd’hui, le minerval s’élève pour les boursiers à 0 euro et est fortement réduit pour les étudiants de condition modeste. Est-ce qu’en le diminuant pour les autres, on ne va pas seulement offrir une perspective aux familles les plus aisées? »[3]. Ce que la Ministre ne semble pas prendre en compte se synthétise en trois points :
- 1. Le fait, pour un·e étudiant·e, de ne pas bénéficier d’une allocation d’étude n’indique pas qu’iel jouit d’une situation financière « aisée ». Classement sans suite pour cause de « revenus trop bas »[4], bas plafond de revenus, dettes, divorce, décès, difficultés administratives… les raisons obscures et injustes qui privent les étudiant·e·s précaires d’une allocation d’étude – et par conséquent de la gratuité du minerval – sont nombreuses.
- 2. Même avec le minerval à 0 euro et la gratuité – théorique – des syllabi pour les étudiant·e·s boursier·ère·s, obtenus par le mouvement étudiant en 2010 contre l’avis du gouvernement et après des mois de mobilisation, les coûts directs restent nombreux et important, qu’il s’agisse d’un ordinateur, d’une tenue de protection, de cartons pour maquettes, de toiles, des livres obligatoires, d’un code de droit, de tissus…
- 3. L’enseignement supérieur est un service public. En cela, d’une part, il doit être accessible à tou·te·s sans discrimination basée sur le patrimoine, d’autre part, chacun·e contribue déjà à hauteur de ses moyens à son financement par le système d’imposition.
Il faut par ailleurs noter que l’octroi d’une bourse est insuffisant pour faire face aux dépenses annuelles inhérentes à un cursus dans l’enseignement supérieur. Pour cause, les allocations d’études sont en moyenne comprises entre 500 et 1500 euros, là où le coût d’une année d’étude, en prenant en compte l’inscription, le matériel, le logement, les transports, l’alimentation et la santé, se situe entre 8000 et 12 000 euros.
Le manque de considération et de sérieux flagrant dans la réaction de la Ministre ne peut nous amener qu’à une conclusion : il est nécessaire de continuer à se mobiliser pour faire pression sur elle et changer la vie d’au moins 80 000 étudiant·e·s.
[1] Le minerval des écoles supérieures des arts et de certaines sections en hautes-écoles n’est pas plafonné comme cela est le cas dans les universités et les autres sections en hautes-écoles.
[2] Résultats de la consultation menée par la FEF auprès de 5500 en janvier 2021. Consultable en ligne : https://fef.be/2021/02/22/plan-de-lutte-contre-la-precarite/
[3] L’Echo, 6 mars 2021.
[4] Lorsque qu’un ménage déclare des revenus en-dessous d’un certain seuil, le dossier de l’étudiant·e est systématiquement classé sans suite ne lui permettant pas d’obtenir une allocation d’étude.